J’y étais invitée pour y représenter le Festival acadien de Caraquet qui a établi un partenariat avec ce magazine. J’ai donc présenté au public présent, le Festival, Caraquet, la Péninsule acadienne et enfin l’Acadie. « Carol, explique-nous ce qu’est l’Acadie », m’a demandé comme première question l’animateur de la soirée, le directeur et rédacteur en chef de la revue, Serge Beyer. Toute une question à répondre devant un public de 250 personnes, mais une bonne occasion de faire connaître mon coin de pays…en 5 minutes ;-) Il faut dire par contre que dans ce numéro de la revue, que tout le monde avait en main, j’ai publié un texte d’une page et demie sur l’Acadie et sur sa musique comme je la vois à l’heure actuelle.
Je vous propose d’abord ce texte que j’ai publié dans le magazine Longueur d’ondes (No. 54, avril-juin 2010). Ensuite, je vous parlerai du merveilleux spectacle qu’on nous a proposé ce soir-là !
L’Acadie, terre inconnue
Par Carol Doucet
« Les Acadiens sont un peuple, et un peuple est plus fort qu’un pays. Un pays est une institution, mais un peuple est plus fort qu’une institution, car il a une âme, il a des rêves, il est vivant… »
─ Antonine Maillet, auteure acadienne, Prix Goncourt 1984
On dit souvent qu’en Acadie, il y a des musiciens dans chaque maison. Bien sûr, on sait que ce n’est pas tout à fait vrai, mais la musique est bien présente dans la vie de ce peuple. Et quand ils se déplacent en France, les artistes acadiens font fureur ! En Europe, quand on parle français avec un accent du Canada, on pense immédiatement qu’il s’agit de Québécois. Mais il n’y a pas que ! De plus en plus, « l’autre accent » du Canada français, l’accent acadien, fait son chemin.
L’Acadie, ce n’est pas un territoire géographiquement déterminé. Au départ, il s’agit du premier peuple français (venus entre autres de Bretagne et du Poitou Charentes) à s’être établi en Amérique en 1604. À partir de 1755, les Acadiens se retrouvent malgré eux dans un conflit qui oppose la France à l’Angleterre. Ils sont chassés de leur terre et déportés. Des années plus tard, plusieurs reviennent. Aujourd’hui, la grande majorité des Acadiens vit dans les trois Provinces Maritimes qui sont situées à l’est du Québec : le Nouveau-Brunswick (la seule province officiellement bilingue au Canada et dont le tiers de la population est francophone), la Nouvelle-Ecosse et l’Île-du-Prince-Édouard. On en retrouve également au Québec (notamment en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine et à Havre-Saint-Pierre) à Belle-Île-en- Mer ainsi qu’en Louisiane (leurs cousins cajuns) et ailleurs dans le monde. En fait, l’Acadie est là où se trouvent des Acadiens… Et le monde politique de la Francophonie internationale connait bien l’Acadie puisque le Sommet de la Francophonie, qui regroupe environ 55 chefs d’Etat et de gouvernement, a eu lieu au Nouveau Brunswick en 1999, plus précisément à Moncton, là où se trouve une université qui accueille surtout des étudiants acadiens, mais aussi des jeunes des quatre coins du monde.
Dans l’Acadie des Provinces Maritimes, il y a des artistes bien connus dans tous les styles, du rock au pop, du jazz au blues, du classique au country. Il faut préciser que la musique est jeune en Acadie. Au départ, ce sont les Edith Butler, Angèle Arsenault, Calixte Duguay, Donat Lacroix, suivi des groupes Beausoleil Broussard et 1755, entre autres, qui ont fait leur marque en musique populaire. Ces pionniers ont largement influencé leurs successeurs. Mais ce n’est qu’en 1994, lors du premier Congrès mondial acadien (un événement qui a lieu tous les cinq ans) qu’une véritable industrie du disque a vu le jour.
L’avènement d’un réseau de radios communautaires, la place importante que Radio-Canada (radio et télévision) accorde aux artistes acadiens et l’apport important des médias écrits de cette région qui fait une place de choix à la musique, tous styles confondus, a grandement aidé à bâtir une industrie de la chanson en Acadie. Cet appui des médias à faire connaître la carrière des artistes est une chance unique, surtout quand on se rend compte qu’en Europe, peu de médias se donnent cette mission !
Une industrie de la musique a donc pu naître, notamment grâce à des événements et des organisations qui se sont donné une réelle mission en ce sens. Le Festival acadien de Caraquet (voir encadré) est le plus important festival de musique dans l’est du Canada. Chaque année, il accueille des centaines d’artistes ainsi qu’un public de 150 000 personnes. Distribution Plages (www.plages.net) est le seul distributeur de disques spécialisé en musique acadienne. La FrancoFête (www.francofete.com) a permis d’emmener à Moncton des représentants de l’industrie de la musique de partout au Canada, de la France, de la Suisse, de la Belgique, de l’Italie, de la Louisiane et du Texas, entre autres, afin de voir des artistes acadiens sur scène, et de les inviter par la suite dans leur coin de pays.
Des concours comme le Gala de la chanson de Caraquet, qui existe depuis plus de 40 ans, est un véritable dépisteur de la relève musicale. Et depuis quelques années, la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick organise annuellement « L’accro de la chanson » qui permet aux jeunes des écoles secondaires de présenter leurs compositions en français. À Moncton, le Théâtre Capitol fait place à la relève acadienne dans cette salle qui est l’une des plus belles de l’est du pays. Et ce ne sont que quelques exemples d’une industrie musicale en pleine expansion…
Aujourd’hui, le monde commence à entendre parler des artistes acadiens. Plusieurs festivals européens font déjà une place de choix aux artistes de ce coin du monde, certains en font même leur spécialité. C’est le cas de Aah ! Les Déferlantes (Portes lès Valence), du Festival acadien de Saint-Aubin-sur-Mer, du Festival Interceltique de Lorient, de Pully Lavaux à l’heure du Québec (Suisse), etc.
Plusieurs jeunes artistes acadiens commencent à faire leur marque ailleurs qu’au Canada en se présentant de plus en plus sur scène en Europe. C’est notamment le cas de Pascal Lejeune (chanteur folk du Nouveau-Brunswick qui se produit de plus en plus en France, Suisse et Belgique, et qui sera sur la scène découverte d’Alors Chante à Montauban en mai prochain) ; Vishtèn (groupe trad dont les membres sont originaires de l’Île-du-Prince-Édouard et des Îles-de-la-Madeleine et qui a fait plus de 300 spectacles en Europe dans les dernières années) ; Radio Radio (groupe hiphop de l’heure venant de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick ; Bette & Wallet (groupe folk de la Nouvelle-Écosse qui est sélectionné pour le Chaînon Manquant d’octobre 2010 en France) ; Dominique Dupuis (violoneuse du Nouveau-Brunswick vedette de la musique celte) ; Marie-Jo Thério (chanteuse acadienne emblématique) ; etc. Passé le charme de l’accent de ces artistes devenus ambassadeurs de leur coin de pays, quand la musique commence, on est vite impressionné par la qualité de leur art.
Le Festival acadien de Caraquet
http://www.festivalacadien.ca/
Le Festival acadien de Caraquet est une véritable institution. Situé dans la Péninsule acadienne au nord-est du Nouveau-Brunswick depuis maintenant 48 ans, cet événement est devenu une véritable fête de la culture et de la vitalité acadienne. Il est l’une des plus importantes attractions touristiques dans l’est du Canada ayant été inscrit une douzaine de fois parmi les 100 événements touristiques majeurs en Amérique du Nord. Le Festival s’est donné comme mission d’accompagner les artistes acadiens dans le développement de leur carrière en les présentant de façon continue à sa programmation. Il a lieu à chaque année du 1er au 15 août à Caraquet, dans la Péninsule acadienne, une région 100 % francophone située au nord-est du Nouveau-Brunswick.
Agnès Bilh en spectacle aux Trois Baudets de Paris
À tous les quatre mois, lors du lancement du magazine, une artiste est invitée à y présenter son spectacle. S’ajoutent à la soirée quelques amis de l’artiste en vedette. La chanteuse française Agnès Bilh était donc l’invitée de la soirée. Elle y a présenté, en deux parties, près d’une vingtaine de ses chansons. Au cours de la soirée montait sur scène un de ses invités, le temps d’une chanson. On a pu voir notamment Anne Sylvestre, Yves Jamait et Grand Corps Malade ! Toute une brochette d’artistes !
D’abord elle, Agnès Bilh. J’avoue que je ne la connaissais pas vraiment. Mais étant donné que j’allais la voir en spectacle, j’étais allée sur son MySpace écouter quelques chansons. Et au cours des derniers mois, j’avais l’impression de voir son nom partout. En effet, elle commence à vraiment faire sa place sur les scènes des grands festivals en France et dans les médias spécialisés en musique.
Et moi qui ne la connaissais pas, qui ne connaissais aucune de ses chansons, j’ai littéralement tout aimé de cette chanteuse. D’abord, bien sûr, ses textes. Quelle auteure ! Vraiment exceptionnelle. Ensuite la mise en scène du spectacle, toute simple, mais très bien. J’aime comment elle bouge sur scène, comment chaque chanson a son univers. Et la musique est géniale, l’artiste étant accompagnée de trois excellents musiciens.
En sortant du spectacle, en discutant avec quelques personnes autour de moi dans la salle, c’était unanime. D’ailleurs, on ne voulait plus la laisser partir ! Je ne sais plus combien de fois elle est revenue sur scène suite aux applaudissements qui ne finissaient plus.
Une vraie artiste, complète, de tous les talents. J’ai adoré… et acheté ses 4 CD !!! Deux avant la pause, et dans la deuxième moitié du spectacle, je me suis dit que je ne pouvais tout de même par partir de là avec juste la moitié de ses chansons :-)
Agnès Bihl
Grand Corps Malade
En duo avec Yves Jamait
En duo avec Anne Sylvestre
Le salut de la fin